L'évolution du néo-métal

Publié le par Zornitza

Une évolution constante est nécessaire pour se démarquer du nombre incalculable de groupes qui naissent chaque année. Mais finalement l’évolution, la fusion, la mixité sont l’essence même du néo-métal. Le problème est que toute musique quelle qu’elle soit, s’inscrit dans un cycle. Tout mouvement lorsqu’il atteint son paroxysme ne peut que s’éteindre progressivement. De plus, lorsqu’il s’agit d’un phénomène de mode la chute est d’autant plus brutale. Dans l’ordre des choses, un nouveau mouvement doit prendre la place de celui-ci. Des mouvements qui étaient restés des outsiders grignotent petit à petit la popularité du mouvement en place. Nous allons déterminer les évolutions de façon plus précise afin de comprendre en quoi le néo-métal, malgré sa popularité médiatique actuelle, est en déclin, et quels mouvements sont susceptibles de le détrôner, en nous appuyant sur l’évolution actuelle du néo-métal.

L’évolution qui est à l’origine du néo-métal découle du nombre conséquent de clones médiatiques. De plus, si les groupes veulent garder une place importante dans la vie musicale, ils doivent redoubler d’efforts dans un jeu qu’ils ont eux même mis en place à l’origine : le jeu de la médiatisation.

Le néo-métal est né de la fusion du rap, de la techno et du métal. Ce sont les influences premières mais pas les seules. L’indus et la new wave sont deux autres mouvements importants dans l’évolution du néo-métal. Tout le côté sombre que dégage une  partie des groupes néo-métal vient de là. Il faut remarquer que dès 1994 apparaît une autre figure de la musique qui défrayera la chronique plus d’une fois : Marilyn Manson.

 

                                             

Ce personnage et son groupe dégagent toute une imagerie du macabre, du sordide, critiquant à bras le corps les sociétés occidentales, et tout particulièrement la société américaine. Ce groupe ne fait pas de néo-métal, mais bien plus un mélange de musique industrielle, de gothique et de glam rock. Mais il est d’une importance capitale dans l’univers musical métal occidental. C’est en quelque sorte la force obscure et commerciale du métal actuel. Il a très rapidement un gros succès auprès des jeunes, et vend des millions d’albums de par le monde.

 

Tout comme Marilyn Manson, les fondateurs du néo-métal ont un coté sombre et macabre venant du métal indus. Ce n’est pas une coïncidence si les groupes métal ont dès le milieu des années quatre-vingt-dix déployé une vision glauque et pessimiste du monde. Les jeunes sont perdus, balancés entre divorce des parents, conflits, drogues, chômage et violence. C’est l’époque de la communication et le règne de l’image. De plus en plus de jeunes ne se retrouvent pas dans les critères de beauté imposés par les médias. Cette génération de consommateurs se retrouve avec des problèmes identitaires que seuls la musique ou l’art peuvent soulager.

 

« Je ne dirais pas que la musique est capable de faire changer les mentalités, mais au moins de les faire évoluer. Je sais que tel ou tel concert de Korn a changé des trucs dans la tête de quelques gamins.» Jonathan Davis, Korn

 

La funk a aussi beaucoup apporté au néo-métal. L’influence des Red Hot Chili Peppers est nette chez les bassistes des groupes fondateurs. Cependant influence ne veut pas dire copie conforme : chaque influence est intégrée, et refaite d’une autre façon. Le néo-métal, aurait très bien pu s’appeler néo-rap, post-new wave ou autre mot-valise, puisque finalement il s’agit non seulement d’une évolution du métal, mais aussi du rap et d’autres mouvements musicaux. Certains groupes mélangent même le ragga avec le son lourd du néo-métal, comme le groupe Skindred dont le premier album est sorti en 2002. Comment dès lors appeler leur musique ? Ragga métal ? Ce groupe sera facilement rangé dans le néo-métal puisque non seulement il  s’agit d’une fusion de métal et de ragga, mais en plus, impossible de savoir lequel des deux a influencé l’autre. Le néo-métal est l’évolution de ce que l’on appelait autre fois la fusion. C’est aussi l’aboutissement, diront certains, du métal mélodique, du rap, et de tous les autres mouvements. C’est tiré par les cheveux, mais le néo-métal est bel et bien une évolution ; de quoi ? Cela reste à déterminer, même si c’est certainement plus du métal.

 

                                                      

 Les groupes fondateurs du mouvement néo-métal, en voulant aider les groupes qui se rapprochaient d’eux musicalement ou par affinité, se sont fait prendre à leur propre jeu : les poulains ont fini par dépasser les maîtres du point de vue de la popularité, et  commercialement. C’est ce qui s’est passé en 1998-1999 avec le groupe Limp Bizkit qui détrôna temporairement Korn. Par ailleurs la surmédiatisation a engendré un phénomène de mode qui eut pour conséquence la multiplication des groupes. Face à ça, les groupes qui ont inventé le mouvement n’eurent pas d’autre choix que de faire évoluer leur musique afin de se démarquer. L’évolution est alors imposée et doit être constante. On doit surprendre. Les groupes fondateurs l’ont bien compris.

Korn, après le succès de ses deux premiers albums, surprend le monde de la musique, en affirmant un désir de se démarquer. Le groupe change radicalement d’image  et oublie son look un peu négligé pour un style plus posé, et surtout abandonne la froideur de la marque Adidas pour les couleurs flashy de Puma. En résulte une pochette aux tons beaucoup moins sombres, mais toujours aussi cyniques. Le son devient moins glauque, et refoule beaucoup moins ses influences hip-hop. Le chanteur crie moins, mais chante cependant avec toujours autant de sincérité, tourmenté par les mêmes démons. Cet album, comme nous avons pu le constater dans les tableaux précédents, fut premier des charts américains toutes catégories confondues.

 

En 1999, Limp Bizkit sort son deuxième album, plus rap que le précédent et surtout plus mélodieux, avec un son beaucoup plus lourd et sourd. En 2000, Deftones change aussi de direction avec l’album White Pony. Le chant est beaucoup moins violent, et plus chanté. A leur grand désespoir, ils font à nouveau l’objet de clonage. Ils doivent à nouveau se renouveler. Même leurs clones à succès comme Linkin Park sont plagiés. C’est un moment critique pour les fondateurs du néo-métal. Pour sortir leur épingle du jeu, ils doivent redoubler de créativité et doivent être aidés à grand renfort d’événements.

                                                      

Korn, le 15 novembre 1999, la veille de la sortie de leur quatrième album Issues, joue l’album dans son intégralité en live dans la salle mythique new-yorkaise : l’Apollo Theatre dans laquelle sont passés tous les plus grands noms du rock international.  Ce concert fut diffusé en direct à la radio pour les Etats-Unis et sur le site Internet de Korn pour le reste du monde. Ainsi tous les fans du monde entier ont pu entendre le nouvel album du groupe en live la veille de sa sortie américaine. L’album est soutenu par de nombreux événements publicitaires. Outre cet aspect commercial, l’album est une sorte de retour aux sources, et surprend tout le monde. Fini les paillettes de Follow the leader et le gros son hip-hop. Le chant est toutefois resté assez calme comparé aux deux premiers albums. Ils auraient très bien pu surfer sur la vague qu’ils ont eux même inventée mais préfèrent se remettre en question et sortir un album dont le succès est incertain. Le pari est gagné : il entre très rapidement en première place des ventes américaines. Ils arrivent même à regagner une partie du public qu’ils avaient perdu lors de la sortie du troisième album.

L’évolution devient plus que nécessaire pour continuer à toucher un large public. Les groupes fondateurs n’ont pas fini de nous surprendre. Il faut se démarquer de la foule de groupes à vocation commerciale. Toutefois il ne faut pas perdre de vue l’aspect médiatique du néo-métal, dans la démarche de renouvellement.

La musique néo-métal s’est assagie, elle a fait des concessions afin d’être diffusée plus facilement par les médias. Ce phénomène a été amplifié par l’arrivée des nouveaux groupes qui ont été séduit par cet aspect moins dur du métal. Le chant est moins crié, plus mélodique. Les groupes de néo-métal mélodique sont ceux qui sont le plus diffusés par les médias, avec entre autres Linkin Park. Ces groupes sont des leaders médiatiques grâce à leurs mélodies mais ne deviennent pas pour autant leaders du mouvement. Comme ils sont les plus médiatisés, ce sont eux aujourd’hui qui sont les plus copiés, alors que ces groupes clonent eux-mêmes les groupes fondateurs. Ils deviennent dès lors la partie la plus importante du néo-métal non en qualité mais en quantité. Pour la majeure partie du public, le néo-métal est alors un métal commercial, formaté pour les radios, avec un gros son de guitare, pesant, une alternance de parties chantées, souvent rap, et des refrains un peu plus énervés, c'est-à-dire finalement chantés plus fort.  L’oreille avertie connaîtra à l’avance le son d’un nouvel album, de même que la structure des chansons. Le néo-métal mélodique se stéréotype à cause de sa prolifération. Il devient alors aisé de créer un groupe de toutes pièces, dans le genre Popstar version métal.

 

Le problème est que ces groupes sont entraînés malgré eux dans un cercle médiatique qui peut être qualifié de vicieux. En effet, ils ont offert aux médias une musique formatée, stéréotypée, et finalement vide, creuse mais qui fonctionne auprès du grand public. Les médias en redemandent toujours plus puisque c’est bon pour leurs chiffres d’audience. Les groupes eux mêmes ont goûté à la gloire qu’offre la médiatisation. Il leur est donc difficile d’arrêter la machine qu’ils ont lancée. S’ils changent radicalement de position musicale, rien ne les assure d’être toujours autant diffusés. Maintenant reste à savoir si ce n’est pas dangereux pour le mouvement.

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Publié dans Dossiers

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I
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Z
Ton blog est vraiment génial, bien construit, tes articles sont vraiment intéressants. Je te souhaite bonne continuation...
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